Une relecture proposée par Sylviane Franzetti
Sauvons nos forêts.
La mairie de Hyères vient de donner aux quotidiens le communiqué suivant : « Au moment de la périodede grandes chaleurs et de sécheresse, le maire ne saurait trop recommander aux touristes, campeurs, les consignes en vigueur dans l’arrêté permanent préfectoral.
Il compte que toutes les précautions utiles et indispensables seront prises afin de prévenir les incendies ; il rappelle très instamment le danger qu’il y a à jeter sous les pinèdes et dans les sentiers les cigarettes et allumettes non complètement éteintes.
Il espère que toute personne aura à coeur de protéger nos forêts contre des calamités qui ont entraîné tout récemment des dégâts importants et que chacun se fera un devoir de sauvegarder notre belle région d’un pareil fléau.»
Monsieur le maire d’Hyères fait allusion aux incendies qui ont éclaté le 23 juillet dans la région des Maures et ont fait rage pendant quatre jours, activés par le mistral qui soufflait violemment.
Bilan : de La Londe au Canadel sur une largeur de trente kilomètres et une longueur de dix, trente mille hectares de forêts détruites y compris la belle forêt domaniale du Dom.
(...) Ce que nous venons de voir dans les Maures, nous l’avons vu les années précédentes dans l’Estérel là-bas du côté de Fréjus, de Bagnols et de Saint Paul en Forêt ; demain ce sera à Thorenc ou ailleurs, c’est à dire partout où il y a des forêts de pins, que, par indifférence ou à cause de la main d’oeuvre trop onéreuse, on laisse envahir par les sous-bois.
(...) L’administration forestière (...) qui possède des agents très dévoués, ne semble pas, peut-être faute de crédits, faire tout ce qu’il faudrait pour défendre le domaine forestier. Les communes et les associations forestières essaient de lutter mais les crédits leur manquent aussi.
Ce qu’il faudrait une fois pour toutes, c’est que l’État vienne mettre à la disposition des collectivités intéressées les subventions nécessaires pour une action sérieuse et générale. Il en va de l’avenir de nos forêts, c’est à dire d’une richesse qui s’émiette chaque année sur le Littoral et aura bientôt disparu si on n’y prend garde. » (Extraits de La Petite Revue. 1934)
Certaines formulations vous paraissent un peu désuètes ?
C’est normal. Ces lignes ont été extraites de l’éditorial écrit par son responsable de publication, Jules Grec, dans le numéro du 12 août 1934 de « La Petite Revue Agricole et Horticole » qui était diffusée dans les Alpes Maritimes.
Depuis 1934, nombreux ont été les incendies qui ont défiguré la région provençale, avec, en dernier lieu, celui qui a détruit les 7000 ha de la réserve naturelle de la plaine des Maures en août 2021 à cause d’un mégot jeté sur une aire d’autoroute.
Les avis divergent sur les mesures à prendre pour éviter ces catastrophes ; certains prônent la création de pistes facilitant la circulation des pompiers, de zones régulièrement déboisées faisant fonction de pare feu, d’autres voudraient que les anciennes terres cultivées devenues des forêts retournent à leur vocation agricole, d’autres enfin considèrent qu’il faut sanctuariser certains sites pour sauvegarder la biodiversité; dans le cas de la plaine des Maures, l’emblématique tortue d’Hermann, menacée de disparition, ne peut vivre que dans un espace naturel préservé, non morcelé et il a été démontré son lien profond à un territoire limité dont on ne peut la déplacer ; les tortues sauvées lors du dernier incendie ont été relâchées quelques mois plus tard exactement là où on les avait trouvées et y ont vite repris leurs habitudes.
Même si les incendies sont des fléaux qui sèment la mort et sont souvent suivis d’un ravinement irréversible des terres lors des fortes pluies qui leur succèdent en automne, ils permettent aussi la réouverture des milieux ce qui favorise une biodiversité plus riche que dans un sous-bois (flore, insectes). Mais à condition que la nature ait le temps de se régénérer.
Les solutions sont donc complexes et multiples, différentes suivant les territoires et, avec le dérèglement climatique, c’est l’ensemble du pays qui est désormais concerné, y compris des régions qui ne sont pas habituées à ce fléau comme on l’a vu cet été en Bretagne.
Ce que l’on peut retenir de l’éditorial écrit en 1934 ce sont les deux facteurs qui ne changent pas : l’inconscience des auteurs de certains incendies involontaires (hélas, on n’empêchera pas des cinglés de mettre volontairement le feu ni la foudre de déclencher un incendie) et le manque de moyens et donc de crédits pour permettre à chaque partie prenante, de façon décentralisée, d’étudier et de mettre en œuvre les solutions appropriées à chaque territoire (un incendie dans une zone de montagne inaccessible ne se combat pas de la même façon qu’un incendie de plaine).
Sylviane Franzetti
Vous retrouverez le sens et l’étymologie des noms de lieux de cet article (Sauvons les forêts) dans le « Dictionnaire des noms de lieux de L’Estérel » (Bagnols, Breton (!), Canadel, Domaine du Dom, Dramont, Estérel, Frejus, Issambres, La Londe, Vinaigre…). Gérard Tautil, L’Harmattan 2021. Commande : Lo Cebier. 300, chemin du Plan de Chibron. 83870 Signes. (21 euros, pòrt compris, chèque à l’ordre de Gérard Tautil).