Cette fin d’année 2022 marque le retour dans les agendas politiques européens de la Méditerranée. Tout d’abord le Comité des Régions a voté le 11 octobre l’avis « Vers une stratégie macro régionale en Méditerranée ». Il préconise face aux défis actuels que l’Union Européenne se penche sur la création d’une cinquième macro-région pour favoriser la coopération dans l’ensemble du bassin méditerranéen.
Le Parlement européen s’est également saisi de cette question et au sein de la Commission Développement Régional François Alfonsi, le député représentant Régions et Peuples Solidaires, est en charge de la rédaction d’un rapport d’initiative intitulé « le rôle de la politique de cohésion face aux problèmes environnementaux pluridimensionnels du bassin méditerranéen ».
Ce rapport, souhaité et négocié depuis le début du mandat par l’eurodéputé, vise à mettre l’Union Européenne face à ses responsabilités concernant cet espace, trop longtemps sous-estimé par rapport à la logique industrielle et économique du Nord, notamment autour de l’axe Rhin-Ruhr.
Il est indispensable aujourd’hui de repenser les politiques pour mettre en valeur un développement différencié des régions méridionales dont notamment le poids économique d'une Occitanie, charnière entre Nord et Sud, qui doit retrouver une stratégie de développement spécifique lui permettant de dépasser son seul statut de plage et de destination de tourisme de masse de l’Europe.
En effet, près de 110 millions de citoyens européens vivent sur la rive nord et doivent bénéficier des mêmes politiques que dans les autres espaces maritimes européens or les normes environnementales sont bien plus basses que celles que l’on retrouve en Europe du Nord.
Le rapport souligne que la situation environnementale se dégrade année après année tout comme s’accentuent la perte de biodiversité et les pollutions maritimes ou atmosphériques.
Cette situation est liée au réchauffement climatique et la situation d’une mer fermée qui se renouvelle peu et se réchauffe à un rythme 20 fois plus rapide que la moyenne mondiale mais aussi à l’influence anthropique.
En effet, comment ne pas prendre en compte les conséquences de l’urbanisation et du tourisme (31% du tourisme mondial pour 6% de la superficie terrestre), du transport maritime qui avoisine les 20% du transport mondial et est à l’origine de rejets intentionnels d’hydrocarbure s’élevant de 100 000 à 200 000 tonnes chaque année.
Comment ne pas parler des différentes activités industrielles tout comme l’agriculture intensive qui aggravent la pollution et la concurrence sur les ressources en eau, les problèmes de désertification et les épisodes climatiques extrêmes que nous voyons s’amplifier année après année. Sans parler des 730 tonnes de plastique jetées tous les jours en mer.
Face à ce constat plus qu’alarmant, le rapport insiste sur la nécessité de traiter ces problèmes communs, transversaux et complexes par une approche commune puisque les régions et états ne peuvent les résoudre individuellement.
Il prône également une gouvernance des régions pour la macro-région et une stratégie en plusieurs étapes : la première existante pour les mers Adriatique et Ionienne, la seconde en Méditerranée occidentale, puis une troisième dans la partie orientale du bassin. Il rappelle les nombreux atouts et les potentiels importants de nos régions comme les énergies renouvelables, l’économie bleue ou encore le tourisme durable et demande des actions fortes notamment sur les politiques d’économie circulaires et des déchets.
Les négociations avec les autres groupes politiques du Parlement sont en cours. Le rapport, qui sera voté en avril 2023 a pour ambition de pousser le Conseil et la Commission à travailler sur une stratégie qui pourrait être approuvée lors de la présidence espagnole au cours du second semestre 2023.
Pour cela, au-delà du rapport, l’implication des Régions et des Etats notamment la France, l’Espagne et l’Italie est indispensable pour entrainer l’adhésion des autres Etats européens.
La Provence, loin d’être un espace « Sud » comme le souhaiteraient les férus des grandes marques sans aucun sens, est bien un espace indispensable sur la rive nord de la Méditerranée, qui, de par sa géographie comme son histoire se doit d’être au cœur d’une politique méditerranéenne de grande ampleur, associant les régions des deux rives dans une volonté commune d’aller vers l’atténuation des effets du changements climatiques, le renforcement des échanges économiques et culturels autour du bassin, et dans l’objectif d’y développer un espace de paix.
Claire GAGO-CHIDAINE
Une "stratégie macro-régionale" est un cadre intégré approuvé par le Conseil européen, qui peut être soutenu par les fonds européens structurels et d'investissement, entre autres, pour relever les défis communs auxquels est confrontée une zone géographique définie concernant les États membres et les pays tiers situés dans la même zone géographique qui bénéficient ainsi d'une coopération renforcée contribuant à la réalisation de la cohésion économique, sociale et territoriale.